Soutenance de thèse Layana AWADA “Contrôle des langues et code-switching dans une population switchant fréquemment: Une approche multiméthode des bilingues français-libanais”

Publié le 27 novembre 2025 Mis à jour le 28 novembre 2025
le 5 décembre 2025
9h
Maison de la recherche, D31, Campus du Mirail, M° Mirail Université (ligne A)
 


Jury de thèse :

Mme Angela DE BRUIN, Rapporteure, University of York

M. Kassim SHAABAN, Rapporteur, American University of Beirut

Mme Anna GHIMENTON, Examinatrice, Université Grenoble - Alpes

M. Radouane EL YAGOUBI, Examinateur, Université Toulouse II Jean Jaurès

Mme Barbara KÖPKE, Directrice de thèse, Université Toulouse II Jean Jaurès



 

Résumé de la thèse:

Cette thèse s’intéresse au contrôle des langues chez les personnes recourant fréquemment au code-switching (FCS) dans le contexte du bilinguisme arabe libanais–français, en analysant la manière dont l’alternance des langues (switching) varie entre contextes contraints et volontaires, et en explorant si le passage volontaire d’une langue à l’autre réduit les coûts généralement associés au switching en situation contrainte. Afin de compléter les paradigmes expérimentaux de switching habituels qui restent artificiels et ne rendent pas compte du switching en situation naturelle, cette recherche a aussi essayé de répondre au besoin d’évaluations plus écologiques du contrôle des langues au niveau discursif. Comprendre les dynamiques des coûts cognitifs en fonction du degré de contrainte est ainsi le premier objectif. Par ailleurs, bien que des facteurs individuels tels que l’âge d’acquisition, la compétence linguistique, la dominance, les habitudes de code-switching et l’entropie (Gullifer & Titone, 2020) aient potentiellement un effet sur la capacité à contrôler plusieurs langues (De Bruin, 2019), les mécanismes par lesquels ils influencent la performance bilingue, en particulier chez les FCS, restent peu explorés. 

La thèse implique trois études consécutives : 

La première porte sur 226 participants ayant rempli un questionnaire sociolinguistique en ligne, adapté du LEAP-Q (Marian et al., 2007), du BLP (Birdsong, 2012) et du BCSP (Olson, 2022), afin de caractériser leur expérience linguistique, la dominance, les habitudes de code-switching et l’entropie. Les résultats de cette étude montrent que les FCS libanais utilisent les langues de manière intégrée plutôt que compartementalisée, avec une entropie et des pratiques de code-switching plutôt élevées. 

La deuxième, avec 61 participants, teste le contrôle des langues dans des paradigmes expérimentaux en situation contrainte (ciblés/alternée) et volontaire/libre, à l’aide de tâches de dénomination d’images et de fluence sémantique bilingues, et mesure la compétence en français et les fonctions exécutives (Flanker, Stroop arabe et français, Wisconsin Card Sorting, et mémoire de travail). Cette étude met en évidence des switch costs significativement réduits dans les conditions volontaires vs. contraintes pour les tâches de dénomination d’images et de fluence sémantique bilingues. De même, les mixing costs étaient également réduits lorsque les participants pouvaient alterner librement entre les langues par rapport aux conditions contraintes. 

La troisième étude explore le code-switching en contexte écologique, dans des situations de communication inspirées de l’hypothèse du contrôle adaptatif (Green & Abutalebi, 2013), incluant la description de vidéos et la narration d’événements personnels en contexte monolingue, bilingue et de code-switching dense. Un Indice de Contrôle des Langues (LCI) a été développé pour mesurer le contrôle au niveau du discours, basé sur la fréquence du code-switching, les marqueurs d’hésitation et le débit de parole. Les résultats obtenus auprès de 24 participants ne montrent aucune différence significative du LCI entre les différentes conditions, et n’indiquent ni switch ni mixing costs au niveau discursif. Cependant, la compétence en français, les habitudes de code-switching et la durée du séjour en France modulent de manière significative les switch et mixing costs, contrairement à l’entropie. 

En combinant approches sociolinguistiques, expérimentales et écologiques, cette thèse offre un panorama complet du contrôle des langues chez les FCS, soulignant les variations dans l’utilisation des langues entre contextes expérimentaux et écologiques. Elle soutient l’hypothèse que le fait de choisir librement quand changer de langue représente un avantage pour les FCS plutôt qu’un coût et elle introduit de nouvelles méthodes pour analyser le contrôle des langues dans des contextes naturels.

 

Thesis summary:

This dissertation examines language control in frequent code-switchers (FCS) in the context of Lebanese Arabic–French bilingualism, analyzing how language switching varies between constrained and voluntary contexts, and exploring whether switching voluntarily from one language to another reduces the costs typically associated with constrained switching. To complement traditional experimental switching paradigms, which remain artificial and fail to account for switching in natural contexts, this research also sought to address the need for more ecological evaluations of language control at the discourse level. Understanding the dynamics of language switching costs relatively to the degree of constraint (constrained vs. voluntary) is thus the first objective. Moreover, although individual factors such as age of acquisition, language proficiency, dominance, code-switching habits, and entropy (Gullifer & Titone, 2020) may potentially affect the ability to control multiple languages (De Bruin, 2019), the mechanisms through which they influence bilingual performance, particularly in FCS, remain underexplored. The dissertation comprises three consecutive studies: The first involved 226 participants who completed an online sociolinguistic questionnaire adapted from the LEAP-Q (Marian et al., 2007), the BLP (Birdsong, 2012), and the BCSP (Olson, 2022), to characterize their language experience, dominance, code-switching habits, and entropy. The results of this study show that Lebanese FCS use their languages in an integrated rather than compartmentalized manner, with relatively high entropy and frequent code-switching practices. The second study, with 61 participants, tested language control in experimental paradigms under constrained (cued/alternate) and voluntary/free conditions, using bilingual picture-naming and semantic fluency tasks, as well as measures of French proficiency and executive functions (Flanker, Arabic and French Stroop, Wisconsin Card Sorting, and working memory). This study revealed significantly reduced switch costs in voluntary compared to constrained conditions for both picture-naming and semantic fluency tasks. Similarly, mixing costs were also reduced when participants could freely alternate between languages relative to constrained conditions. The third study explored code-switching in ecological contexts, in communicative situations inspired by the Adaptive Control Hypothesis (Green & Abutalebi, 2013), including video descriptions and personal event narration in monolingual, bilingual, and dense code-switching contexts. A novel Language Control Index (LCI) was developed to capture discourse-level control, based on code-switching frequency, hesitation markers, and speech rate. Results from 24 participants revealed no significant differences in the LCI across conditions, indicating no evidence of switch or mixing costs at the discourse level. However, French proficiency, code-switching habits, and length of residence in France significantly modulated switch and mixing costs, whereas entropy had no notable effect. By combining sociolinguistic, experimental, and ecological approaches, this dissertation offers a comprehensive account of language control in FCS, highlighting variations in language use across experimental and ecological contexts. It supports the hypothesis that freely choosing when to switch languages provides an advantage for FCS rather than a cost and introduces new methods for analyzing language control in naturalistic contexts.