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Soutenance de thèse Cécile FERLIN "Rôle des compétences phonologiques et de l’Empan Visuo- Attentionnel sur l’identification de mots en cas de surdité : comparaison d’enfants sourds hétérogènes à un groupe témoin entendant"
Résumé
(English below)
De nombreuses études internationales révèlent que l’apprentissage de la lecture présente des défis spécifiques pour les enfants sourds : en France, plus de 40 % d’entre eux rencontrent des difficultés. La maîtrise de la lecture constitue un enjeu crucial pour leur socialisation et leur autonomie. Chez les enfants entendants, deux prérequis de la lecture importants émergent de la littérature scientifique : la conscience phonologique (CP), c'est-à-dire la capacité à manipuler les unités phonologiques de la langue, et l'Empan Visuo-Attentionnel (EVA), qui correspond au nombre de caractères perçus simultanément en une fixation oculaire.
Inspiré par les modèles de lecture à double voie, le développement de la lecture chez les enfants sourds a été principalement étudié sous l’angle de l’hypothèse phonologique. Cependant, en raison de l'accès limité à la phonologie chez les enfants sourds et de l'opacité du français, cette approche est débattue. Parallèlement, des approches alternatives, telles que l'hypothèse visuelle, suggèrent que certains lecteurs sourds signants, performants en lecture, utilisent des stratégies visuelles spécifiques (e.g. large empan perceptif et lecture par mots-clés). Par ailleurs, des études récentes ont mis en lumière des compétences visuo-orthographiques particulières chez les enfants sourds, qu’ils utilisent la langue vocale ou la langue des signes. À ce jour, aucune étude n’a examiné précisément le rôle de l’EVA dans l’identification des mots isolés chez les enfants sourds.
Notre étude se propose de tester l’hypothèse selon laquelle les bons lecteurs sourds pourraient compenser un déficit en CP par un recours à l’EVA. Pour cela, nous avons conçu une batterie de tests comprenant des tâches de détection de rimes à l’aide d’images, le traitement de chaînes de consonnes via le logiciel EVADYS, et une tâche de décision orthographique avec distracteurs phonologiques et orthographiques. L'échantillon comprend 51 enfants sourds profonds (âgés de 8 à 12 ans) et 42 enfants entendants. Nos résultats, répartis en trois volets d’analyses, montrent une grande variabilité des scores de CP et d’EVA en fonction du groupe linguistique et du niveau de lecture.
Les résultats suggèrent que la variabilité de l’apprentissage de la lecture chez les enfants, qu'ils soient sourds ou entendants, dépend en partie de l’EVA. Ils indiquent aussi qu'une part faible des enfants sourds signants, dans notre étude, parvient à devenir de bons lecteurs sans une conscience phonologique développée. En outre, la lecture labiale émerge comme un soutien central pour la reconnaissance des mots, jouant un rôle lexical pour les sourds signants et un rôle sublexical pour les sourds oralisants.
Ces résultats ouvrent des perspectives en recherche appliquée, en vue de développer des tests spécifiques pour mieux évaluer la population sourde.
Composition du jury
- Caroline BOGLIOTTI, Maîtresse de conférence-HDR, Université Paris-Nanterre (rapporteure)
- Marie-Line BOSSE, Professeure des universités-HDR, Université Grenoble-Alpes (rapporteure)
- Julie LEMARIE, Professeure des universités, Université Toulouse Jean Jaurès (examinatrice)
- Stéphanie COLIN, Maîtresse de conférence, Université Lyon 2 (examinatrice)
- Stéphanie BOREL, Maîtresse de conférence, Sorbonne Université (examinatrice)
- Mathieu MARX , Professeur des universités et praticien hospitalier, Université Toulouse Paul Sabatier (examinateur)
- Florence BARA, Professeure des universités, Université Toulouse Jean Jaurès (directrice de thèse)
- Christiane SOUM-FAVARO, Maîtresse de conférence, Université Toulouse Jean Jaurès (co-directrice de thèse)
Abstract
Numerous international studies reveal that learning to read presents specific challenges for deaf children: in France, over 40% of them encounter such difficulties. Yet, mastering reading is a crucial factor for their socialization and autonomy. For hearing children, two critical prerequisites for reading emerge from the scientific literature: phonological awareness (PA), which is the ability to manipulate phonological units of language, and the Visual-Attentional Span (VAS), corresponding to the number of letters in consonant string perceived simultaneously in a single eye fixation.
Inspired by dual-route reading models, reading development in deaf children has mainly been studied through the lens of the phonological hypothesis. However, given deaf children’s limited access to phonology and the opacity of French, this approach is debated. In parallel, alternative approaches, such as the visual hypothesis, suggest that certain deaf readers who are skilled readers rely on specific visual strategies (e.g., larger perceptual span and keyword strategy). Moreover, recent studies have highlighted unique visuo-orthographic skills in deaf children, regardless of whether they use spoken language or sign language. To date, no study has precisely examined the role of VAS in written word identification in deaf children.
Our study aims to test the hypothesis that proficient deaf readers could compensate for a deficit in PA by relying on VAS. To do this, we designed a battery of tests including rhyme detection tasks using images, consonant string processing in EVADYS software, and an spelling decision task with phonological and orthographic distractors. The sample includes 51 profoundly deaf spoken and signing children (aged 8 to 12) and 42 hearing children. Our results, divided into three levels of analysis, reveal a wide variability in PA and VAS scores depending on linguistic group and reading level.
Results suggest that the variability in reading acquisition among children, whether deaf or hearing, partly depends on VAS. They also indicate that a portion of deaf signing children, although small in our study, manages to become proficient readers without developed phonological awareness. Additionally, lip-reading emerges as a central support for word recognition, playing a lexical role for deaf signers and a sublexical role for deaf oral children.
These results open perspectives in applied research, aimed at developing specific tests to better assess the deaf population.