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Conférence Octogone-Lordat de Sonia Kandel : "L'écriture de mots lorsque les processus orthographiques sont défaillants: Une étude auprès d'enfants dyslexiques et dysorthographiques.

Publié le 4 février 2019 Mis à jour le 13 septembre 2019
le 22 mars 2019
à 14h (MdR, salle D31)

par Sonia KANDEL, professeur à l'Université Grenoble Alpes, GIPSA-lab (CNRS UMR 5216), Grenoble


Résumé : Les mouvements d’écriture ne sont pas des mouvements manuels simples. Grâce à l’étude de la dynamique du mouvement d’écriture à travers des tablettes digitalisantes, nous avons constaté que la manière dont on trace une lettre ne dépend pas uniquement de ses caractéristiques spatiales, mais aussi des phonèmes qu’elles représentent. Par exemple, les mouvements pour écrire les lettres MON dans un mot orthographiquement régulier comme MONTAGNE sont plus « faciles » à produire que dans le mot irrégulier MONSIEUR. Apprendre à écrire consiste donc à intégrer l’orthographe dans le déroulement spatio-temporel de la production motrice. Nos études développementales suggèrent que les processus orthographiques commencent à moduler la production de mouvements d’écriture à partir du moment où les enfants ont automatisé l’exécution des gestes grapho-moteurs (vers 8 ans). Avant cet âge, les processus orthographiques et moteurs semblent fonctionner de manière indépendante l'un de l'autre. Nous avons réalisé une étude visant à examiner la production écrite de mots auprès d’une population présentant un dysfonctionnement de la récupération orthographique. Il s’agissait d’un groupe d’enfants dyslexiques de 10-11 ans qui étaient aussi dysorthographiques, car ils avaient d’importantes difficultés lors de l’écriture de mots, en l’absence de troubles moteurs associés. Nous avons demandé à ces enfants d’écrire des mots et des pseudo-mots sur une tablette digitalisante. Un groupe d’enfants témoins réalisait la même tâche. Nous avons relevé plusieurs mesures sur déroulement spatio-temporel de l’écriture. Nous avons constaté que le déficit de traitement orthographique affectait la dynamique gestuelle avant et pendant l'exécution des mouvements. L'impact des caractéristiques orthographiques des séquences de lettres sur la production du mouvement était plus fort chez le groupe dyslexique/dysorthographique que chez les témoins. L’analyse a révélé que la récupération de l’orthographe est tellement coûteuse chez les enfants dyslexiques/dysorthographiques, qu’elle peut interférer, voire inhiber le geste d’écriture. De ce fait, certains enfants produisent des tracés très irréguliers et parfois illisibles, et sont alors considérés comme étant « dysgraphiques » ; c’est-à-dire comme ayant un trouble avec la mécanique du mouvement d’écriture. Ce diagnostic erroné a comme conséquence une rééducation inefficace et conduit, à très court terme, au découragement, voire à l’abandon de l’écriture. Pour offrir un accompagnement efficace à ces enfants, il serait nécessaire d’une part d’affiner avec précision le diagnostic et d’autre part, de mettre en place un protocole de rééducation qui couple les aspects orthographiques et moteurs.